DOME de Stephen King

Publié le par Guillaume Fortin

 

Prétexte SF pour noir dessein

 

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 Editions Albin Michel

2011

 

 

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A en croire la couverture (très réussie) du dernier ouvrage de Stephen King, Dôme, tout semble indiquer que l’on s’apprête à feuilleter les pages d’une épopée de science-fiction. Dès les premières lignes, le piège s’abat sur le lecteur comme sur cette petite ville du Maine : un champ de forces, à l’origine inexplicable, vient d’emprisonner la ville et ses habitants. 

 

Sans doute faut-il s’appeler Stephen King pour oser reprendre cette histoire de cloche de verre qui a déjà inspiré moult scénarii et moult fantasmes SF. Mais il faut également s’appeler Stephen King pour réussir à le faire en deux fois six-cents pages d’une œuvre fleuve ne souffrant aucun temps mort. 

Question SF, en revanche, le lecteur s’y détrompera rapidement. Il sera même assez vite surpris de se retrouver transporté dans l’engrenage d’un scénario aux ressorts plus proche du roman noir de tradition américaine (s’attachant à dresser le portrait au vitriol d’un petit morceau d’Amérique) que de la science-fiction (dans sa tendance technologique et futuriste). 

Après une assez jubilatoire introduction (voyant réduire le chiffre des habitants de cet échantillon étasunien à une vitesse digne d’un film catastrophe qui aurait commencé par la fin), l’histoire prend son allure de croisière dans une veine noire d’autant plus maîtrisée qu’elle nous en propose un condensé des thématiques assez complet. 

Réjouissante perspective, notamment, que cette allégorie d’une Amérique qui, faisant l’objet d’une attaque sans adversaires (ni extraterrestres, ni communistes, ni indiens, ni terroristes), se retrouve prise aux pièges de ses propres tourments (l’argent, la politique, le conservatisme, la peur de l’autre). 

Réjouissante perspective, également, que la mise en scène romanesque de cette mini démocratie de façade basculant subitement dans une « dictature municipale » qui n’attendait que ce prétexte (SF) pour s’affirmer pleinement. Tout cela sous la houlette d’un premier conseiller municipal digne des meilleurs personnages de méchants de la littérature américaine. Archétype de l’homme politique véreux (mais aussi et surtout imbu d’omnipotence) qui, voyant débarquer la super crise (et donc la super opportunité de devenir, une bonne fois pour toutes, le seul maître à bord), se met à sacrément « sentir le truc ». « Sentir le truc, c’est comme être sur un tapis volant et on se doit de rester impérial en le chevauchant ». C’est l’avis de Big Jim (clin d’œil au viril pendant masculin de la poupée Barbie, mais peut-être également au plus inquiétant Big Brother) qui n’est pas sans nous rappeler, par ses procédés expéditifs, le fameux Pete Bondurant, de James Ellroy, et par ses aspirations à devenir un petit tyran, un certain chef d’État, bien réel et de chez nous, celui-là. 

Pour contrecarrer les plans fanatiques de cet apprenti dictateur, et les agissements de sa sinistre bande de bras cassés, il faudra compter sur un petit groupe de résistants, constitué (entre autres) de la directrice du journal d’opposition local (The Democrat), d’un ancien GI au classique profil du vagabond, seul étranger pouvant s’opposer au conservatif du bled (et surnommé Barbie…), ainsi qu’à la participation efficace d’une joyeuse bande de jeunes qui jouera un rôle important dans la résolution de cette mystérieuse énigme du Dôme. Car il s’agira finalement d’une histoire d’enfants et de cruauté (extraterrestres ?), dont la morale, teintée d’humanisme, ne basculera heureusement pas complètement dans le trop simpliste happy-end à l’américaine. Morale de l’histoire dont on ne confondra donc pas l’humanisme (à la Stephen King) avec celui, pathétique et bien pensant, caractérisant les œuvres d’un certain Steven Spielberg – qui viendrait d’acquérir les droits d’adaptation pour une série télé : faut-il craindre le pire…

Chronique parue dans L'indic n°10 

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