L'interview du mois sur

Publié le par Guillaume Fortin

Joshua's mum
blog à partager en famille
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03 novembre 2009

L'interview du mois - Guillaume Fortin

 

Sur ton blog on dit de Faux Semblants qu'il réunit "tous les ingrédients d'un polar Marseillais". Quels sont donc ces ingrédients spécifiques à Marseille?


Le seul véritable ingrédient qui me semble essentiel est Marseille. D'origine et de tradition le polar est associé à la présence, l'atmosphère, la personnalité d'une ville. C'est dans la ville qu'on commet les crimes, que la police, les hommes de pouvoir et les truands sévissent, que tout se magouille à grande ou petite échelle. Marseille est en cela un cadre idéal. Mais quel Marseille? Là interviennent les ingrédients de chacun : le Marseille à la fois sombre et méditérranéen d'Izzo ou celui des clichés les plus galvaudés? La limite est parfois très mince. Difficile d'écrire de manière fine et profonde sur une ville où l'on croise les clichés en chair et en os dans la rue. Personnellement je crois que je ne serai jamais capable de décrire, dans une fiction, le Marseille que j'aime. Peut-être est-ce dans sa nature. A ce point rebelle qu'on ne peut la décrire sans qu'elle se rebiffe.

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Tu sembles attaché à la ville de Marseille, impliqué dans sa vie sociale et culturelle mais à la fois tu me donnes l'impression d'être plutôt libre et sans attaches géographiques. Es-tu d'accord avec ce paradoxe et comment l'expliques-tu?


Je voyage régulièrement depuis assez longtemps. C'est d'ailleurs sans doute pour cette raison que je me sentais bien à Marseille lorsque j'y habitais. Ca reste encore ma ville de rattachement, surtout le quartier du Panier où je me sens toujours chez moi lorsque j'y vais pour voir des amis ou boire mon café au bar. Cela fait un peu moins longtemps que j'ai décidé de me libérer plus radicalement des attaches et surtout des contraintes géographiques. De fait, mon implication dans la vie sociale et culturelle à Marseille est donc du passé. Et je n'ai jamais été à la recherche d'une cause pour laquelle militer, faire ma part de bonnes oeuvres ou remplir mon emploi du temps. Mes implications se sont toujours nouées d'après des rencontres, du vécu, la proximité d'une urgence sociale, culturelle ou tout simplement humaine. Je crois avoir été à Marseille proche du monde qui m'environnait parce que j'avais décidé d'être dans ce monde et pas dans un autre, tout simplement. Ca s'est passé dans cette ville durant une dizaine d'année (et j'espère que ça sera encore le cas épisodiquement). Pour la suite on ne sait pas ce que nous réserve l'avenir. Ce qui est sûr c'est que je rencontre pas mal de monde sur mon chemin.


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Certaines scènes de ton livre sont (selon mon appréciation) "trash". Comment en vient-on à écrire sur ce sujet? lorsque tu as écrit as-tu pensé aux membres de ton entourage qui allaient le lire et cela a t'il influencé ton écriture?


Je ne sais pas exactement pour quelle raison j'écris ce que j'écris. un certain goût pour la provoque sans doute. Pour le noir et le très glauque aussi. Je pense au bouquin de Georges Bataille "Histoire de l'oeil" qui est fondateur pour moi : la littérature comme acte ultime de voyeurisme; ou à ce que peuvent écrire Selby, Céline, Jim Thompson, Iceberg Slim, Bukowski, Bret Easton Ellis, ou même Sade. C'est la littérature que j'aime. Une littérature qui ose aller jusqu'au bout de quelque chose. Comme si l'écriture devait être pour chaque oeuvre une expérience limite (dans l'extrême : Bataille, Selby; dans l'épure : Carver, Manchette pour le polar). Il va de soi que je ne me classe pas parmi ces grosses pointures mais je partage peut-être avec eux un certain nombre d'obsessions. Je ne suis pas capable de voir le monde tout rose et sage alors qu'une forme de violence terrible sévit en son creux. Je ne dis pas que c'est la seule manière d'envisager les choses, bien entendu, et j'aime aussi l'humour - il y en a d'ailleurs souvent une ceraine forme dans le très noir, au moins dans le cynisme ou l'ironie - ou la légèreté, mais j'avoue que le côté obscur m'intéresse assez. Il va de soi que je ne pense pas particulièrement à mon entourage lorsque j'écris des choses salasses. Je pense en revanche à mes lecteurs, tente de mettre en place une intrigue qui provoquera en eux autre chose que du quotidien , de l'insipide, du mou. On ne sait jamais quelle part de nous même nous emmène jusqu'à produire ou consommer des telles horreurs fictives. Mais n'est il pas préférable de les vivre de cette manière, par la puissance de l'imaginaire, plutôt qu'autrement? Pour moi ce n'est en tout cas pas un acte gratuit. La littérature est sans doute l'une des façons les plus intelligentes et raffinées de réagir à la violence du monde.


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Peut-on trouver une satisfaction commune à l'écriture et au voyage?

Sans aucun doute : le sentiment de liberté qui accompagne l'une et l'autre de ces deux pratiques, nées toutes deux d'une même intention, celle consistant à se lancer vers l'inconnu. L'une comporte seulement un peu plus de risques et nécessite un peu plus de courage que l'autre, du simple fait qu'on ne tient pas la plume.

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Quelle question je ne t'ai pas posée alors que tu aurais aimé que je te la pose, et quelle est sa réponse?


J'aurais aimé que tu me demandes ce que je pense de ton idée d'interviewer chaque mois un membre de la famille pour diffuser l'entretien sur ton blog. Je trouve que c'est une très bonne idée. L'exercice de l'interview est très intéressant pour l'interviewé comme pour le lecteur et c'est dommage qu'il soit finalement réservé à des soi-disant personnalités, ou à de vulgaire micro-trottoir pour le commun des mortels. Car l'interview est justement cet art qui donne à l'interviewé la possibilité de se "hisser" à un niveau de dialogue lui offrant pour une fois la possibilité d'avoir la parole pour de vrai, pour du vrai. C'est un exercice très agréable et qu'il faudrait "démocratiser" comme on dit. Donc j'attends la prochaine personnalité de la famille avec impatience...

L'objet

Est-ce encore par esprit de contradiction, je ne sais pas, mais tu n'auras pas d'objet de ma part. Juste une petite explication. Une certaine pensée d'origine orientale préconise de faire une fois par an le tri parmi tous les objets qu'on possède et de brûler tous ceux qui n'ont pas servi au moins une fois. Il semblerait que cette pensée se soit naturellement imposée à moi et je dois avouer n'avoir dans la cabane qui m'abrite actuellement d'autres objets que des ustensiles dont aucun ne me semble plus important qu'un autre. Je peux en revanche te fournir une photo de ce à quoi pourrait ressembler la vision d'une âme libérée de tout attachement aux objets et finir sur cet autre conseil spirituel : se rendre au moins une fois par an dans un lieu où l'on a jamais été...


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